« On pourrait dire que ‘Voyage au pays de la quatrième dimension’ se situe à mi-chemin entre le roman d’anticipation et l’essai sur les mœurs, qu’il relève aussi du conte philosophique, mais il s’agit en fait d’une pure Science-Fiction. On y retrouve, outre l’humour spécifique de l’auteur, une forme très riche d’invention spéculative, qui en font certainement l’un des plus originaux romans de Science-Fiction de ce début de siècle. » (Philippe Curval)
« Manifeste antinaturaliste, car rien d’humain n’existe en dehors de l’artificiel, Credo passionné en l’unique et entière puissance créatrice de l’Idée, ce livre fut, à l’origine, une tentative d’évasion de la certitude bourgeoise, une protestation révoltée contre la tyrannie scientifique du moment. Ce fut surtout comme un essai de roman dont le personnage principal ne serait plus un être humain, mais une Idée, roman où les péripéties se trouveraient dans la Pensée et les aventures dans les modifications de son caractère. »
Ainsi Gaston de Pawlowski (1874-1933) tente-t-il de définir, en 1923, dans l’Examen critique par lequel débute l’édition « définitive » de son Voyage au pays de la quatrième dimension, le projet auquel il ne cessa de revenir, avec l’obstination du monomaniaque, durant tout le premier quart du vingtième siècle. Devenu un classique de ce qui, à l’époque, ne s’appelait pas encore la science-fiction française, ce livre n’a cessé d’interpeller, de désorienter et de fasciner des générations de lectrices et de lecteurs.
Le thème de la quatrième dimension connut une certaine vogue à la fin du dix-neuvième siècle et au début du siècle suivant. Avec la rigueur qui fut celle du révérend Abbott lorsque celui-ci entreprit la cartographie des contrées de Flatland – mais avec un sens de l’humour qui n’appartient qu’à lui –, G. de Pawlowski s’inscrit dans cette lignée et pousse sa réflexion à des conclusions extrêmes. On trouve en germe, dans cette ambitieuse histoire du futur courant sur plusieurs millénaires, certains des thèmes qui n’ont cessé d’être explorés depuis par les meilleurs écrivains du genre. C’est également l’œuvre d’un philosophe et d’un moraliste traversée d’interrogations, de fulgurances et d’intuitions dont certaines ne peuvent que conduire au vertige métaphysique.
Cent ans plus tard, le Voyage de G. de Pawlowski n’a rien perdu de sa radicalité féconde ni de sa puissance d’évocation. C’est ce qui motive cette « édition du centenaire » d’une œuvre qui mérite, par son originalité et son importance historique, de rester constamment disponible. Fidèle à l’édition « définitive » de 1923 chez Fasquelle, elle en reprend le texte intégral ainsi que les treize illustrations pleine page de Léonard Sarluis (1874-1949) qui l’accompagnaient. Pour éclairer cette lecture, Fabrice Mundzik (archéobibliographe spécialiste de l’auteur, sur lequel il travaille depuis des années), retrace la genèse et la longue maturation de ce roman singulier dans une postface passionnante et fouillée : Le vaste univers de la quatrième dimension. On trouvera également dans ces pages les textes postérieurs à 1923 dans lesquels G. de Pawlowski revisite le thème : Retours au pays de la quatrième dimension, ainsi que ceux de quelques autres qui à sa suite se sont livrés à cette exploration : Esquisse du multivers pawlowskien.