Heinrich Kley
Illustrateur
(1863-1945)
Encore méconnu en France, Heinrich Kley retrouve depuis quelques dizaines d’années sa place méritée dans la mémoire internationale, d’abord par le biais des états-uniens qui l’avaient pourtant honteusement piraté dans leurs revues au cours des années 20 du XXe siècle, à commencer par le GOLDEN BOOK MAGAZINE. Le plus célèbre de ces plagiaires, Walt Disney, avouait déjà en 1964, au cours d’une émission télévisée, l’influence primordiale qu’avait eue Kley sur les graphismes de ses dessins animés, dès Fantasia en 1940. Né le 8 avril 1863 à Karlsruhe dans le royaume de Wurtemberg, bientôt rallié à la confédération de l’Allemagne du Nord, ce fils d’orfèvre étudie naturellement à l’Académie des Beaux-Arts de sa ville natale sous la direction d’un peintre réputé, Ferdinand von Keller, spécialisé dans le genre prisé des compositions historiques. Doté d’une solide formation, Kley végète malgré sa ténacité active pour percer dans la société artistique locale. Une commande de cent aquarelles pour des cartes postales attire l’attention sur les qualités topographiques de ses dessins et en 1901, les usiniers Krupp l’engagent pour réaliser du matériel promotionnel et en particulier des illustrations de la fonderie. Ses machines gigantesques et éléments déchaînés domptés par des hommes minuscules feront sensation. Outre sa maîtrise de la composition spatiale, son impressionnisme subjugue autant que l’interprétation fantastique qu’il introduit dans plusieurs images. Dès lors, tandis qu’il honore ses contrats industriels, Kley laisse libre cours à son extraordinaire imagination et publie ses dessins dans les plus prestigieuses revues de l’Allemagne d’alors : JUGEND, SIMPLICISSIMUS, etc. En 1919, il contribue au premier magazine au monde à consacrer ses pages aux genres de l’Imaginaire : DER ORCHIDEENGARTEN. Ses moindres croquis emportent le mouvement au délié d’un crayon aérien. La démesure absurde, la joie démonstrative ou grinçante expriment la liberté dans son univers peuplé d’animaux, de chimères et de femmes peu farouches et sans complexes. Il aura une influence sur toute la génération suivante d’artistes, et parmi eux, Franziska Bilek, merveilleuse caricaturiste. L’ombre du nazisme le rend muet ; dès la prise du pouvoir par le parti national-socialiste, Heinrich Kley abandonne toute publication artistique pour ne plus produire que son travail alimentaire. Ses caricatures sont jugées hautement suspectes. Son premier album, paru en 1923, est inscrit en 1939 sur la liste des ouvrages nuisibles et les matrices en sont détruites. La seconde guerre mondiale l’isole. Il meurt, déjà oublié, le 8 février 1945, à l’hôpital Nymphenburg de Munich.
- Illustration : Vous avez dit ‘pulp’ ?, de Leo Dhayer
Le Novelliste #02 – page 5
- Illustration : La fiction à deux sous, de Christine Luce
Le Novelliste #02 – page 143